Portrait de territoire : Dunkerque 7/9
Dans la relation des habitants à leur territoire, de nombreux éléments apparaissent contradictoires. En permanence, les attitudes, les déclarations et les faits oscillent, pour un même sujet, entre honte, fatalisme et fierté.
Entre complexe d’infériorité et grande fierté
Evoquons tout d’abord le climat. En la matière la réputation du territoire n’est plus à faire : dans le « nord du Nord », ne fait-il pas toujours froid, gris et pluvieux ? Une simple halte chez le boucher ou le boulanger permet de le constater : nous nous plaignons constamment et longuement de la météo locale. Il suffit cependant qu’un Parisien ou qu’un Marseillais nous en fasse la remarque pour qu’aussitôt, notre discours évolue : certes il ne fait pas chaud, mais la luminosité est réelle, il pleut plutôt moins qu’ailleurs grâce au vent et l’effet littoral nous préserve des gelées sévères… (NB : dans les faits, ces derniers arguments sont vérifiés et attestés par les mesures météorologiques).
Ego malmené
C’est ainsi, les habitants du territoire sont dotés d’une double personnalité, prêts à nier ce qu’il y a une heure ils déclaraient. Pas par mauvaise foi. Plutôt par esprit défensif vis-à-vis de l’extérieur. L’ego dunkerquois est en effet très souvent malmené. Combien de films, de chansons ou de médias ne citent Dunkerque que pour évoquer (en vrac) un lieu où l’on est muté suite à une faute professionnelle, un endroit où l’on s’ennuie, une ville laide et industrielle, la pauvreté…
Economie locale pénalisée
Les clichés, pour la plupart injustes, sont légion. L’attractivité du territoire s’en trouve pénalisée et cela se ressent sur l’économie locale. Comment alors ne pas mener un militantisme « extérieur » forcené ? Dans ces conditions, la tentation de rester entre soi, la peur de ne pas s’intégrer ailleurs et de ne pas être à la hauteur, est grande. Les jeunes ont du mal à quitter le territoire à l’issue de leurs études malgré une offre d’emplois inférieure à l’apport démographique. En vacances à l’étranger ou dans le Sud, les Dunkerquois se regroupent facilement dans des niches spécifiques (camping, village de vacances…).
Complexe d'infériorité vis-à-vis...
De la langue et du patois, de l’accent, du climat, de l’industrie, de la pollution, de l’architecture de la Reconstruction, de l’aspect beuverie du carnaval, de la mauvaise image du territoire à l’extérieur, des clichés, du manque d’attractivité du territoire pour les médecins ou les cadres, des usines et de la centrale nucléaire, des risques Seveso…
Grande fierté
D’être Dunkerquois ou Flamand (selon le lieu de résidence), des codes partagés (chansons du carnaval, sens de la fête, plaisir d’être ensemble), des résultats du port, des hommes qui y travaillent, des savoir-faire, des résultats sportifs du BCM ou de l’USDK, des événements sportifs comme les Quatre jours de Dunkerque ou le départ du Tour de France à la voile, d’être durs à la tâche, accueillants, chaleureux, simples, naturels, accessibles (on parle facilement même lorsque l’on ne se connaît pas), d’être relativement à l’abri des inondations, des catastrophes naturelles (pas de tremblements de terre, de tsunami, de grande sécheresse…), du patrimoine flamand (architectural et historique), de la brique, de bourgs comme Cassel ou Bergues, des villages de charme comme Esquelbecq.
Quelle est la véritable personnalité de la région Flandre-Dunkerque ?
Pour le savoir, l’agence d’urbanisme de Dunkerque (AGUR) a mené une grande étude en 2006. Tous les documents, articles et livres mentionnant le territoire ont été compulsés. Un groupe ressource d’experts locaux a été créé. Des enquêtes ont été menées auprès d’habitants et de visiteurs (plus de 300 au total). Au final, un rapport de 400 pages croisant tous ces regards a été rédigé. Dix traits de caractère, tant physiques que psychologiques, ont finalement émergé, comme pour une personne de chair et de sang.
Presque 10 ans après, force est de constater que ce portrait de territoire n’a pas été utilisé par les différents acteurs du Dunkerquois (élus, professionnels du tourisme ou de l’économie de l’époque).
Mais il n’est pas trop tard ! L’expérience actuellement menée dans les villes autour du Louvre-Lens le démontre : un portrait de territoire est un outil précieux d’aide à la décision. Il contribue à donner du sens à des produits économiques, touristiques ou culturels ; à construire des événements en adéquation avec les spécificités physiques et culturelles du territoire ; à déterminer des stratégies de développement...