Transports publics gratuits : l'irrésistible contagion
Coup sur coup, en l’espace de quelques mois, plusieurs villes et pays d’importance viennent d’annoncer réfléchir à l’opportunité de transports en commun gratuits. Urbis le Mag a compilé pour vous les différents projets annoncés en Allemagne, en Estonie mais aussi à Paris et Clermont-Ferrand.
Allemagne.- La gratuité pour réduire le nombre de voitures
La ministre allemande de l’Environnement, Barbara Hendricks, a surpris tout le monde en évoquant, en février dernier, le passage à la gratuité des transports publics comme une réponse à envisager pour réduire le nombre de voitures individuelles et, ainsi, améliorer la qualité de l’air.
Dans la patrie d’Audi, Mercedes et autre Volkswagen, on évoque sans ciller le fait que cette mesure sanitaire d’urgence (400 000 décès seraient en effet causés par la pollution chaque année dans l’UE) puisse être financée par l’industrie automobile.
Si une partie des maires allemands affiche son scepticisme – la gratuité engendrerait selon eux un afflux d’usagers et donc un besoin accru de matériels, de lignes, de dessertes et de personnel évalué à des milliards d’euros – ; une autre fait part de son enthousiasme.
Cinq villes (dont Bonn, Essen ou Mannheim) testeront d’ailleurs la mesure au plus tard à la fin de cette année.
Réduire la pollution et augmenter le pouvoir d'achat
Tübingen a pris un peu d’avance : le bus est désormais gratuit tous les samedis dans cette ville de 89 000 habitants. Le public visé par cette décision municipale est celui « qui n’utilise jamais les transports publics ».
Pour le maire, Boris Palmer, qui ne possède pas de voiture individuelle, « la gratuité est la seule façon de convaincre ceux qui en possèdent une ». Car ce public, qui méconnait le fonctionnement des transports en commun, n’est pas prêt à les utiliser s’il faut payer.
Les buts de la gratuité instaurée les samedis consistent à réduire la pollution et, aussi, à accroître le pouvoir d’achat des gens les moins fortunés. L’efficacité de la mesure sera évaluée en février 2020, à l’issue d’une période de test de deux ans.
Estonie.- L’ensemble du pays suivra-t-il l’exemple de Talinn ?
Il y a cinq ans, Talinn devenait la première capitale européenne à opter pour la gratuité de ses bus, tramways et trains de banlieue. Urbis le Mag s’était d’ailleurs rendu sur place en 2016 afin de tirer un premier bilan de cette expérience. Déjà, à l’époque, le maire de Talinn, Taavi Aas, évoquait l’éventualité d’une gratuité étendue à l’ensemble de l’Estonie.
Les faits lui donnent aujourd’hui raison puisque Kadri Simson, la ministre de l’Economie estonnienne, a annoncé son souhait de voir les lignes de bus régionales du pays tout entier devenir gratuites.
Vote des 15 comtés estoniens
Les quinze comtés composant ce pays d’1,3 million d’habitants, encore très rural en dehors de Talinn, vont pouvoir se déterminer et opter (ou pas) pour la gratuité dès le 1er juillet. La perte de recettes de billetterie attendue devrait être compensée par l’augmentation des subventions de l’Etat (21,7 millions en 2017 ; 34, 8 millions en 2018).
Quelle sera la prochaine capitale européenne à suivre les traces de Talinn ? Interrogé par le site Pop-up city, Allan Alaküla, porte-parole du maire de Talinn, déclare : « Paris est en train de réfléchir à la gratuité de ses transports en commun pour réduire la pollution. Si une ville de cette taille et de cette renommée franchit le cap, nul doute que les autres villes suivront ».
Paris.- Une annonce qui fait parler
L’annonce d’Anne Hidalgo a fait l’effet d’une bombe. L’association des mots « Paris » et « gratuité des transports publics » était manifestement aussi inattendue qu’improbable… Les opposants habituels à la gratuité n’ont pas tardé à se manifester dans les médias.
Pas de quoi cependant décourager la municipalité parisienne qui a rapidement confié une étude à une équipe de chercheurs du Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques de Sciences Po (LIEPP). Charge désormais à cette équipe d’évaluer l’ampleur des investissements à effectuer dans l’optique d’un renforcement de lignes actuellement saturées et d’étudier les différents scénarios de mise en place de la gratuité.
Différents scénarios seront envisagés par une équipe de chercheurs
Dans le Journal du dimanche, Emmanuel Grégoire, adjoint en charge du Budget, détaille quelques-unes des pistes envisagées : une gratuité sur critères (sociaux, d'âge, entre certaines heures ou encore en fonction du type de transport, seulement pour le métro et le RER par exemple), une gratuité réservée aux seuls Franciliens et excluant les touristes…
L’équipe de chercheurs aura aussi pour mission d’identifier des sources de financement possible de la gratuité : augmentation du versement transport des entreprise, instauration d’un péage urbain… Cette dernière solution aurait la préférence d’Anne Hidalgo, soucieuse de réduire la circulation des voitures individuelles dans Paris.
Clermont-Ferrand.- L’élu aux transports a convaincu le maire
Plus discrètement, Clermont Ferrand vient elle aussi de faire son entrée dans ce club de plus en plus prisé des villes étudiant la possibilité de transports en commun gratuits. Selon le quotidien régional La Montagne, c’est suite aux Rencontres citoyennes de la mobilité que l’idée a émergé, conjointement à 21 autres propositions d’avenir pour l’agglomération de Clermont-Ferrand.
Cyril Cineux, adjoint au maire chargé des transports à la maire de Clermont, fait partie des élus qui appellent la gratuité de leurs vœux. Le maire, Olivier Bianchi, pourtant peu convaincu au départ, a finalement donné son accord au lancement d'une étude dès septembre, et pour dix mois, afin de déterminer quels « impacts socio-économiques, opérationnels, organisationnels et financiers » aurait la gratuité.
Financièrement, on sait déjà que le coût serait de 15 millions d'euros, soit moins de 10 % du budget global des transports publics de la métropole.
Péronne.- Gratuité dès le 1er juillet 2018
Enfin, la petite ville de Péronne (moins de 8 000 habitants), dans la Somme, vient elle aussi d’annoncer, suite à un vote du conseil municipal, la gratuité de son réseau de bus urbain (19 stations) dès juillet.