Remix your city : pour une ville collaborative
Longtemps resté l’apanage d’une élite technocratique, l’aménagement urbain intéresse de plus en plus les citoyens lassés de se sentir écartés de projets qui les concernent pourtant au quotidien. En réaction, de nouvelles démarches collaboratives éclosent. Parmi elles, le City remix s’appuie sur l’expérience des usagers pour transformer des lieux publics tels que les bibliothèques, des musées ou des gares.
Rassurez-vous, cet article n’a pas pour ambition de parler du dernier tube de l’été remixé mais bien d’innovation urbaine et sociale en matière de participation. Le terme « remix » renvoie à « une technique musicale consistant à retravailler un titre déjà enregistré afin d’en produire une autre version » (1). Loin d’être anodin, l’emploi de ce mot appartenant au champ lexical de la musique met en exergue l’élan créatif qui permet de transformer l’existant en faisant vibrer la corde sensible de la ville.
La démarche City remix se veut ainsi une expérimentation de nouvelles manières de faire la ville en s’appuyant sur l’expérience des usagers d’un lieu pour le transformer, trouver des solutions aux dysfonctionnements potentiels et l’adapter aux pratiques émergentes.
Les ingrédients d’un bon remix
La recette d’un « remix » nécessite plusieurs ingrédients, à savoir : un lieu ouvert ancré dans son environnement social et urbain ; une pincée de temps ; une multitude de profils citoyens et une bonne dose de créativité. L’échange d’idées et le partage de compétences entre des personnes d’horizons divers sont nécessaires pour développer des solutions qui améliorent le cadre de vi(ll)e.
Ce format permet aux participants de s’affranchir des contraintes administratives et techniques pour imaginer des services innovants et tester les prototypes in situ auprès des usagers pour les améliorer. Aucun cahier des charges ou d’objectif n’est défini à l’avance, seul compte l’envie d’innover des participants. Cependant, cette méthode s’applique à des objets urbains circonstanciés (un lieu, une fonction) diagnostiqués en amont et non des concepts trop abstraits qui contraindraient l’opérationnalité.
Revisitant la participation citoyenne, cette démarche repose sur l’idée « d’innovation centrée-usager » qui permet aux premiers concernés d’être impliqués dans la conception d’un service en vue de favoriser son acceptation et son appropriation. Le principe du « faire avec » - et non pas « pour » - guide la collaboration tout au long d’un événement catalyseur de nouveaux rapports entre collectivités, entreprises privées et citoyens-usagers. Les projets réalisés proposent ainsi de vivre de nouvelles expériences, de réenchanter un espace a priori sans qualités.
Quels sont les acteurs qui donnent le « la » ?
La démarche de Remix repose sur un partenariat entre des acteurs publics (collectivités territoriales, établissements publics, etc.) et des acteurs privés, entendu au sens large, à la fois des entreprises partenaires et des citoyens-usagers, appelés « remixeurs ».
Les partenaires privés et les institutions publiques sont les organisateurs de l’événement. Ils mettent à disposition un lieu d’expérimentation choisi en fonction de ses problématiques sociales et urbaines ainsi que pour ses capacités à accueillir les participants pour qu’ils puissent travailler sur site pendant quelques jours.
Sept profils
Pour assurer une mise en œuvre efficace, une répartition des rôles au sein de l’équipe organisatrice est nécessaire. Sept profils (2) sont identifiés :
· Les Grands organisateurs, qui assure la logistique, la sécurité, la gestion du planning
· Les Propulseurs de projets, qui accompagnent les équipes sur le plan opérationnel
· Les Coachs Ressources, qui viennent en appui pour apporter des solutions techniques, aider à l’installation des prototypes (mise à disposition d’outils de bricolages, imprimante 3D, fer à souder)
· Les Facilitateurs, qui favorisent le travail collaboratif au sein d’une équipe et assurent l’interface entre l’équipe et les organisateurs
· Les Hôtes, qui accueillent et informent les visiteurs et les médias sur le site pendant l’événement
· Les Médiateurs, qui gèrent la communication sur les réseaux sociaux et publient des reportages vidéos sur le blog de l’événement
· Les Observateurs, qui réalisent une enquête auprès des participants afin de d’évaluer le processus.
Qui veut être remixeur ?
Les remixeurs, acteurs indispensables de cette démarche, sont des citoyens ayant répondu à un appel à candidatures, relayé par les organisateurs et les communautés créatives du territoire (école de design par exemple) les mois précédents l’événement.
Suite à l’envoi des candidatures, pour lesquelles les intéressés ont dû expliquer leur motivation à travailler sur l’urbain, l’équipe organisatrice sélectionne une quarantaine de finalistes au regard de critères de parité, d’intergénérationnalité et d’une représentation équilibrée des catégories socio-professionnelles.
Le profil des remixeurs, loin d’être monolithique, traduit la volonté d’avoir des équipes pluridisciplinaires, constituées au regard des compétences et non de l’interconnaissance. Généralement, on retrouve la figure du designer, de l’urbanophile, de l’usager du lieu, du bricoleur, et d’un chercheur ou praticien en sciences humaines.
Aucune rémunération n’est versée aux participants de ce type d’événement, seul compte pour eux la gratification sociale d’une expérience collaborative où ils ont pu se confronter à d’autres modes de penser et de faire, apprendre à maitriser des outils telles que les nouvelles technologies, produire de la connaissance et s’investir dans le développement de sa ville. De plus, ces collaborations permettent souvent de renforcer son réseau professionnel et de créer des opportunités entrepreneuriales.
Des expérimentations en canon
Initiés en 2011 par Erasme, le laboratoire d’innovation ouverte de la Métropole de Lyon et des professionnels passionnés par les musées, la démarche Muséomix s’est déclinée sous d’autres formats et d’autres lieux.
En avril 2015, c’est au tour de la gare Saint-Paul, situé dans le 5e arrondissement de Lyon de devenir un terrain de jeu pour imaginer de nouveaux usages plus ludiques et pratiques. Pour cette première édition, le Grand Lyon, Gares & Connexions, la Région Rhône-Alpes, la Ville de Lyon et le Sytral ont été partenaires pour l’organisation, avec le soutien de l’agence Nova7, experte en innovation ouverte (3).
Plus récemment, la Maison des étudiants située dans le 7e arrondissement de Lyon, a aussi fait l’objet d’un remix en octobre 2016 (4). Ce dernier était organisé en partenariat avec la direction logistique, patrimoine et bâtiments de l’université de Lyon, le Crous, et la direction de la prospective et du dialogue public de la Métropole de Lyon.
Un remix fort en émotions
Cette aventure collective intense en émotions autour d’un projet commun donne lieu à une dynamique fédératrice entre les partenaires prêts à s’investir pleinement durant l’événement. La démarche de remix est ainsi voulue collaborative et pluridisciplinaire, elle permet en ce sens de casser la logique de silos et amener un peu de porosité entre des secteurs traditionnellement cloisonnés.
Afin de passer d’une démarche événementielle à une démarche prospective, une évaluation est à prévoir concernant « le nombre de prototypes ayant trouvé une déclinaison opérationnelle » suite à l’événement, « l’effet levier ou impulsion sur la transformation d’un lieu un remix », ou encore « les effets de ce type d’expérience collaborative pour l’ensemble des acteurs impliqués et ainsi repérer l’évolution en termes de culture professionnelle (5) ».
Pour conclure, il semble que les difficultés inhérentes à la participation « sur invitation » ont mis en exergue la nécessité de trouver d’autres formats et espaces pour permettre à une diversité de profils de citoyens-habitants-usagers de prendre part à la transformation de la ville. Ainsi, assiste-t-on à l’essor d’une participation « sur contribution » avec l’expérimentation d’ « évènement créatif et collaboratif pour fabriquer des prototypes de services qui transforment l’expérience vécue par les usagers d’un lieu dans la ville (6) ».