Portrait de territoire : Dunkerque 9/9
Littoral et pays rural sont parfois opposés d’une manière violemment caricaturale. Mais hormis le clivage politique (le premier vote davantage à gauche, le second à droite), les complémentarités et les points communs sont bien plus nombreux que l’on ne se l’imagine !
Littoral et pays rural : si proches
Littoral et pays rural se nourrissent de leurs différences respectives. La vérité est qu’ils ne peuvent pas se passer l’un de l’autre. Si le littoral se caractérise par la démesure de ses paysages, le pays rural, lui, a développé une échelle plus humaine où la mesure règne. L’organisation est d’abord parcellaire (parcelles agricoles, délimitations par les wateringues, haies du bocage, etc.).
Ce qui séduit les urbains
Les maisons flamandes typiques savent « se fondre dans le paysage et non l’agresser. Cela signifie que les constructions dans la campagne doivent être basses puisque le relief est plat, dans les bourgs elles se contenteront d’un étage au maximum. » (lu sur le site d’Yser Houck). Les perspectives sont plus « fermées » : on trouve des bosquets autour des fermes et la plupart possèdent des cours fermées. Cette intimité séduit les urbains qui viennent pratiquer dans le secteur rural des activités sportives et de nature, manger dans les estaminets ou admirer les traces d’un patrimoine ancien qui n’existe plus chez eux mais qui, ici, a été joliment préservé…
Ce qui séduit les ruraux
Les ruraux eux, fréquentent les équipements de la ville : cinémas, piscines, patinoire, commerces, musées… Les différences de modes de vie, autrefois marquées, tendent à disparaître tout à fait aujourd’hui. Ajoutons que la plupart des habitants du rural travaillent souvent en ville. Les deux territoires sont dépendants économiquement. Ils partagent un même bassin d’emploi. Mais de manière bien plus profonde et historique, ce sont les mêmes valeurs qui unissent les hommes du littoral et du pays rural. A savoir, l’importance du travail, l’engagement, la ténacité, la solidarité, l’authenticité, la simplicité populaire, la fidélité, l’importance de la famille…
Des hommes du Nord avant tout
Le parlé patois Dunkerquois est largement inspiré du flamand. Ils ont des caractères et des comportements similaires. Un même goût très marqué pour la fête, la même envie d’être ensemble, entre soi. Ils se retrouvent derrière les grands événements sportifs fédérateurs qui valorisent l’ensemble du territoire. Tous se sentent d’abord hommes du Nord. Ils en respectent les traditions. Le carnaval est l’un des ciments de leur identité commune, tout comme les géants, les estaminets, les carillons, la cuisine flamande…
Dans la littérature...
« Ils aiment carnavals, cavalcades, défilés, n’ont pas renoncé à s’y déguiser et masquer, non sans un rien de vulgarité parfois, sont fidèles à leurs vieux géants et n’arrêtent pas de s’en inventer de nouveaux. Le dialogue de Reuze Papa et de la statue de Jean Bart ne laisse pas oublier que certains de ces géants furent des hommes. Est-ce si mal de porter l’idée que l’humanité est capable de grandes choses ? Il y a peu de région où les adultes conservent une telle disponibilité pour le jeu. Les boules, cartes et dés comme ailleurs, les pigeons déjà dits, les combats de coqs, mais aussi le tir à l’arc, horizontal ou vertical, le javelot, le jeu de crosse ou cholettes, la balle au gant, les fléchettes dites astiquettes conservent des adeptes ici et là, quand le sport ne met pas tout le monde d’accord. Et nulle part mieux qu’à ce pays franc ne convient l’expression « à la bonne franquette » : confiance au bricolage et en la conception locale du « système D ». Les jardins ne suffisent pas, qui pourvoient au rêve autant qu’au ravitaillement, derrière chaque maison : il faut que de ce côté gagnent, sans cesse ajoutées les unes aux autres, de curieuses petites constructions, cuisines et buanderies de secours pour les gens, mini-bidonvilles domestiques pour poules et lapins (et si « la Pologne » s’en mêle, des oies et un cochon). Les coqs de combat sont plus exigeants. Il leur faut des cages de luxe, et tout un cérémonial. Les tonnes d’eaux de pluie sous les nochères rappellent qu’il ne faut rien laisser perdre. En tout cas, l’homme partout. Les carillons, oui, mais les carillonneurs. Dont les noms sont connus, de grandes familles. Pas seulement la musique des mains de l’homme, et de ses poings et de ses pieds, un combat de charretier contre une tour, ses cloches et clipots, mais dont le ciel ne garde qu’une dentelle au vent. »
André Stil dans Paysages et gens du Nord
Quelle est la véritable personnalité de la région Flandre-Dunkerque ?
Pour le savoir, l’agence d’urbanisme de Dunkerque (AGUR) a mené une grande étude en 2006. Tous les documents, articles et livres mentionnant le territoire ont été compulsés. Un groupe ressource d’experts locaux a été créé. Des enquêtes ont été menées auprès d’habitants et de visiteurs (plus de 300 au total). Au final, un rapport de 400 pages croisant tous ces regards a été rédigé. Dix traits de caractère, tant physiques que psychologiques, ont finalement émergé, comme pour une personne de chair et de sang.
Presque 10 ans après, force est de constater que ce portrait de territoire n’a pas été utilisé par les différents acteurs du Dunkerquois (élus, professionnels du tourisme ou de l’économie de l’époque).
Mais il n’est pas trop tard ! L’expérience actuellement menée dans les villes autour du Louvre-Lens le démontre : un portrait de territoire est un outil précieux d’aide à la décision. Il contribue à donner du sens à des produits économiques, touristiques ou culturels ; à construire des événements en adéquation avec les spécificités physiques et culturelles du territoire ; à déterminer des stratégies de développement...