Niort passe au bus gratuit... sans dépenser plus
En septembre 2017, l’agglomération de Niort disait adieu à ses tickets de bus. Et devenait, par la même occasion, la plus grande agglomération française à avoir opté pour un réseau de transport totalement gratuit. Urbis le Mag a passé quelques jours sur place afin de découvrir les spécificités locales de cette gratuité.
A Niort, la gratuité a d’abord été une promesse électorale. Celle de Jérôme Baloge, élu maire sous l’étiquette du parti radical-valoisien en 2014. « Le contexte local s’y prêtait. Ce qui n’est absolument pas le cas partout, je tiens à le souligner. Mais chez nous, c’était une évidence : beaucoup de bus roulaient presque à vide ; les recettes des ventes de tickets et d’abonnements couvraient seulement 12% du coût d’exploitation du réseau », argumente l’édile. « Permettre à tous les habitants de se déplacer librement m’apparaissait aussi comme la meilleure des réponses aux enjeux environnementaux et aux difficultés sociales actuels. »
Libre accès plutôt que gratuité
En écoutant le maire de Niort parler, on se rend compte qu’il n’utilise pas souvent le terme de « gratuité ». Il lui préfère largement celui de « libre accès », qu’il juge plus évocateur de la modernité de la mesure et de son adéquation avec l’évolution des modes de vie.
Dans les faits, ce libre accès a déjà bouleversé les habitudes d’une partie des 120 000 habitants de l’agglomération niortaise. Entre midi et deux, de plus en plus de salariés des célèbres assurances dont les sièges sont situés à la frange de la ville prennent le bus pour casser la croûte ou faire les boutiques dans le centre. Les jeunes n’ont plus besoin de l’aide de maman ou de papa pour se donner rendez-vous place de la Brèche, chaque samedi.
Des bus remplis
Sébastien Forthin, le directeur du service transports de la communauté d’agglomération du Niortais, livre une anecdote surprenante : « Durant la période de Noël et les soldes, nous avons observé de plus en plus de stationnements sauvages sur les parkings des supermarchés. Leurs propriétaires se garent là et ils partent ensuite en bus dans le centre-ville ».
C’est un fait, la gratuité a rempli les bus : « Notre objectif est d’accroître de 30 % le nombre d’usagers. Au bout de quatre mois, nous en sommes déjà à 20 % d’augmentation sur l’ensemble du réseau. Certaines lignes, les plus urbaines, ont vu leur nombre d’usagers faire un énorme bond (+ 136% sur la ligne 1). L’afflux de voyageurs s’avère aussi remarquable le samedi (+ 100%), un jour peu prisé avant la gratuité. »
Préserver la capacité d'investissement
La caractéristique la plus frappante de la gratuité niortaise réside sans doute dans sa volonté de rationalisation budgétaire.
« La commande politique était claire : le passage à la gratuité ne devait absolument engendrer aucun frais supplémentaire et donc aucune augmentation d’impôt pour les habitants et les entreprises qui payent le versement transport. L’autre objectif majeur étant de préserver notre capacité d’investissement dans de nouveaux matériels à l’avenir », indique encore le technicien.
Pour y parvenir, le réseau de bus est passé d’une gestion en société d’économie mixte à une délégation entièrement privée en avril 2017.
Cinq lignes supprimées
« Lorsque Transdev a remporté le marché, nous savions d’entrée de jeu que nous étions très attendus sur les gains de productivité que nous allions parvenir à obtenir. Ils étaient possibles parce que 25 % des trajets se faisaient avec 5 personnes dans le bus », raconte Eric le Roux, le nouveau directeur du réseau.
« En juillet dernier, nous sommes donc passés de 12 à 7 lignes. Au global, l’offre kilométrique a été réduite de 30 % mais 95 % de l’ancienne surface du réseau reste couverte ; nous avons surtout supprimé des lignes doublons. La fréquence de passage des bus sur les lignes les moins utilisées a aussi été revue à la baisse. En contrepartie, nous essayons de gérer beaucoup mieux les correspondances et de ne pas avoir de gros temps d’attente. »
Prochain ajustement en septembre 2018
Le trafic est désormais observé en temps réel par Transdev aux heures de pointe ce grâce aux divers équipements embarqués – un système de géolocalisation, des cellules de comptage des passagers et des caméras – dans les bus du réseau.
Le but est de réagir rapidement en cas de souci, comme lorsque des véhicules, parce qu’ils sont trop bondés, ne peuvent plus prendre les gens aux arrêts.
« En janvier, nous avons renforcé les lignes saturées aux heures de pointe en mettant des bus articulés par exemple. Mais les gens ont du mal à s’habituer à ne plus être systématiquement assis pour effectuer les trajets, comme c’était systématiquement le cas avant la gratuité. En septembre 2018, nous ferons un nouveau bilan et nous effectuerons de nouveaux ajustements, si c’est nécessaire », conclut Sébastien Forthin.
Les chiffres-clefs de la gratuité niortaise
Communauté d’agglomération du Niortais : 42 communes, 120 000 habitants (à elle seule, Niort rassemble 58 000 habitants)
Recettes commerciales du bus en 2016 (avant gratuité) : 1,6 millions €
Budget prévisionnel 2018 du réseau de bus Tanlib : fonctionnement 17,2 millions € ; investissement 2,3 millions € ; versement transport 15,3 millions €
Flotte de 49 véhicules ; 130 salariés dont 100 chauffeurs. A noter : les anciens contrôleurs assurent désormais des fonctions de managers.
Covoiturage, vélo électrique et trottinette
A Niort, la gratuité des bus a été pensée dans le cadre d’un plan global visant à favoriser la mobilité.
Encourager le covoiturage.-
Parce que le réseau de bus ne peut pas couvrir tous les besoins des habitants de cette agglomération plutôt rurale et étendue (la plupart des communes comptent moins de 1 000 habitants), un site internet de covoiturage a été mis en ligne en septembre 2017. Il permet à tout un chacun de s’inscrire pour proposer une place dans son véhicule. Les personnes intéressées n’ont plus alors qu’à se signaler. Tanlib, le réseau de transport de l’agglomération, gère cette plateforme de mise en relation et de coordination mais n’interfère pas dans les transactions financières entre particuliers.
Donner le goût du vélo électrique.-
Un système de vélos électriques en libre-service a aussi été lancé. Particulièrement intéressant – il permet d’emprunter gratuitement et jusqu’à trois mois consécutifs un vélo électrique –, il rencontre un beau succès. Une centaine de vélo a dû être rachetée en janvier ; 140 sont désormais en circulation, tous empruntés. En avril 2018, un système de location longue durée payante (30 euros par mois dont 15 euros pris en charge par l’employeur) sera instauré en complément des trois mois d’essai gratuit.
En réflexion : la création d’un système comparable permettant de s’essayer et de prendre goût à la trottinette électrique.