Et si la gratuité devenait la norme ?
« Le transport collectif gratuit sera un thème de campagne majeur lors des élections municipales de 2020. » Maxime Huré, maître de conférence en science politique à l’université de Perpignan et président de l’association VIGS, en est persuadé : on peut désormais tout à fait imaginer qu’une très grande ville française fasse ce choix, suivant l’exemple de Dunkerque en France et de Talinn en Estonie.
« Déjà depuis très longtemps, les économistes considéraient que cette gratuité des transports collectifs était possible uniquement dans les petites villes de 50 000 à 100 000 habitants. On voit bien qu’avec l’expérience de Dunkerque et de Tallinn, ce seuil est largement dépassé depuis, donc on peut imaginer tout à fait qu’une très grande ville choisisse de passer à la gratuité des transports collectifs. Et j’ai envie de dire : si Paris met en place la gratuité des transports dans son réseau, qui est extrêmement important, qui est extrêmement fréquenté, on peut se dire que l’ensemble des villes au monde pourrait quasiment passer à la gratuité des transports collectifs, parce que Paris aussi regroupe un certain nombre de problématiques qui vont être liées au financement du réseau, à la sur-fréquentation de certaines lignes, donc des problématiques tout à fait importantes qui sont courantes dans de grandes villes.
Ce qu’on peut dire c’est que cette réflexion doit se mener sur le long-terme : pour passer à la gratuité des transports collectifs c’est souvent très compliqué, même dans les petites villes, de le faire du jour au lendemain. Donc une telle mesure pourrait se penser à une échelle de 5, 10 voire 15 ans, parce qu’il faut aussi être en capacité de préparer budgétairement ce passage à la gratuité des transports collectifs, qui va être un cout relativement important, tout en sachant qu’il faut investir ensuite dans le réseau qui sera de plus en plus fréquenté. Première chose. Deuxième chose, lors du passage à la gratuité des transports collectifs on peut mener des expérimentations, et moi je suis plutôt sensible à conseiller aux villes d’expérimenter avant de généraliser. On pourrait très bien imaginer d’abord un passage à la gratuité des bus, gratuits, des bus parisiens gratuits, avant d’ouvrir le réseau du métro ou des tramways. Donc on pourrait aussi imaginer une gratuité partielle, pour un public ciblé. Je crois que la municipalité de Paris l’a déjà fait pour les personnes âgées. On pourrait l’étendre aux étudiants, à d’autres publics… Et puis à chaque fois évaluer ces expérimentations : c’est ça qui me semble être important. Et puis enfin on peut choisir, comme Dunkerque, de d’abord passer à la gratuité des transports collectifs le week-end, et ensuite à la gratuité totale des transports collectifs, la semaine et le week-end.
Une des difficultés dans le cas parisien c’est évidemment la question du financement. Là, plusieurs solutions sont envisageables, et je crois que les pouvoirs publics y réfléchissent. Il y a évidemment se servir aussi des contraintes qu’on a infligées à l’automobile depuis une vingtaine d’années pour financer l’ouverture gratuite du réseau parisien. Par exemple on peut imaginer qu’un péage urbain puisse voir le jour pour financer le transport collectif gratuit. On peut imaginer que le stationnement automobile, l’argent tiré du stationnement automobile, serve à financer l’ouverture du réseau. »
Retrouvez la retranscription intégrale de l'interview accordée par Maxime Huré à l’Institut de recherche et d’échange sur les mobilités sur le site Forum Vies Mobiles.