Des rues aux enfants pour convaincre les parents
Nantes, le mercredi 28 septembre. Cette après-midi-là, aucune voiture n’a pu passer rue de l'Eraudière, une voie habituellement très fréquentée où cohabitent une école, un collège et une maison de retraite. A la place, une centaine d’enfants venus à vélos, trottinettes ou rollers a investi l’espace.
« Nous avions travaillé avec plusieurs associations pour animer ce moment », explique Stéphanie Le Dantec, qui, avec une poignée de parents d’élèves, est à l’origine de l’opération.
« Cela nous a permis de proposer des activités artistiques à base de peinture végétale, des jeux en bois, un atelier jardinage aux pieds des arbres… Une maman circassienne est venue sur ses échasses, un papa a amené son triporteur électrique… » Autant dire que l’expérience a marqué les enfants !
Enthousiasme et lourdeur administrative
Face au succès, le petit collectif de parents souhaite recommencer : « Nous aimerions le refaire une fois par mois dans l’idéal, dès que le beau temps reviendra.
La seule difficulté tient à la lourdeur de l’organisation : il faut par exemple deux mois pour obtenir une fermeture administrative de la rue par la municipalité ». Et sans doute aussi beaucoup de temps pour convaincre, fédérer et communiquer autour de l’événement…
Investir affectivement la rue
Un travail qui en vaut cependant la peine selon Stéphanie Le Dantec : « La rue de l’Eraudière sert de dépose-minute. Le matin et le soir, aux heures de sorties de l’école, c’est la totale anarchie en matière de stationnement. Nous pensons qu’il est possible de faire évoluer les choses en investissant affectivement la rue. Plus elle sera belle, fleurie, bien aménagée, plus les gens auront envie de l’arpenter à pied et de prendre le temps de se garer un peu plus loin pour en profiter. Nous nous sommes lancés dans une démarche de long terme, nous en sommes bien conscients ! ».
Une ville plus agréable à vivre pour tous
Rue de l’avenir est une association qui œuvre pour la promotion de la marche, du vélo et des transports en commun depuis 1988. Après avoir notamment milité pour une ville apaisée où l’on roule à 30 km/h, Rue de l’avenir s’investit aujourd’hui dans l’organisation de "rues aux enfants". Urbis le mag a rencontré sa présidente, Anne Faure, pour en savoir plus.
- « Avec trois autres associations, vous avez lancé, il y a tout juste un an, un appel à projet intitulé "Rues aux enfants, rues pour tous", cela signifie-t-il que les enfants ne sont pas les bienvenus dans cet espace public ?
- Nous pensons en effet que le règne de la voiture a privé les enfants d’un espace de jeu qu’ils occupaient auparavant. La dangerosité de la circulation conduit les parents à interdire aux enfants de jouer dans la rue, juste devant chez eux. C’est pourquoi nous avons voulu mettre en place une action pour faire évoluer les mentalités et les comportements en démontrant qu’une ville avec des voies interdites aux voitures est très agréable à vivre. Concrètement, une rue aux enfants consiste à fermer, de façon temporaire, une rue aux voitures et à y proposer des animations festives et ludiques à destination des enfants.
Nous vivons actuellement une période de régression sur la place accordée au piéton en ville. Les rues aux enfants sont de nature à changer le regard des gens sur les contraintes imposées par les automobiles aux piétons. Une rue sans voiture, c’est par exemple une rue moins bruyante et plus conviviale. Il ne s’agit bien sûr pas de tout piétonniser mais de faire germer l’idée, quand cela est possible, d’aménager autrement certaines rues pour les rendre plus agréables.
- A quels types d'aménagements pensez-vous ?
- Nous croyons beaucoup aux zones de rencontre, ces rues où le piéton est prioritaire sur les autres modes de transports et notamment la voiture, qui ne peut y rouler qu’au pas. Cependant, imposer aux gens quelque chose qu’ils n’ont pas souhaité ne sert à rien dans un contexte de crise économique qui s’éternise. Nous misons davantage sur l’envie pour faire évoluer les choses. Passer par les enfants est un vecteur efficace : les parents suivent inévitablement. Et les autres habitants de la rue peuvent à leur tour être contaminés !
- Combien de rues aux enfants devraient voir le jour ?
- Suite à l'appel d'offre, 43 réponses nous sont parvenues d’un peu partout en France, émanant de municipalités, d’associations, de centres sociaux avec, pour moitié, des projets prenant place dans des quartiers défavorisés. Nous en avons sélectionné 32 – les plus aboutis – et nous avons réunis les porteurs de projets en avril pour les épauler et les conseiller.
Quelques rues aux enfants ont vu le jour dès cet été, comme à Nantes (lire l’article ci-dessus), Arras, La Rochelle... D’autres rues aux enfants sont programmées au printemps 2017. Nous projetons aussi d’organiser un forum national le 10 mars 2017 auquel toutes les associations, habitants et collectivités intéressés pourront s’inscrire. Nous espérons relancer un nouvel appel à projet par la suite.»