Alfred Peter réinvente les transports publics
Le paysagiste Alfred Peter est considéré comme l’un des meilleurs techniciens de l’aménagement urbain dans le cadre de projets de mobilité d’envergure. Il travaille à Dunkerque sur le projet DK plus qui poursuit un objectif majeur : la refonte totale des lignes du réseau de bus dans l’optique d’instaurer la gratuité de ce mode de transport. Interview.
- « En quoi consiste la mission qui vous a été confiée par la Communauté urbaine de Dunkerque ?
- Il s’agit de réinventer les transports publics dunkerquois. Nous avons moins de 5 ans pour parvenir à tout changer. L’ambition est d’accroître considérablement le nombre d’usagers du bus. Deux moyens vont être utilisés : l’adaptation du réseau aux besoins des habitants et la mise en gratuité.
- Qu’est ce qui ne fonctionne pas aujourd’hui ?
- Actuellement, dans l’agglomération dunkerquoise, ceux qui prennent le bus le font pour de mauvaises raisons : parce qu’ils n’ont pas de voiture, pas d’argent, qu’ils sont trop jeunes ou trop âgés. C’est une clientèle captive qui n’a pas le choix. Tout l’enjeu consiste à attirer dans les bus une nouvelle population. Mais cela ne sera possible que si les bus vont plus vite, passent plus souvent et au plus près des lieux de destination des gens : domicile, travail, commerces, loisirs...
Le temps de trajet, la fréquence de passage, la proximité de l’arrêt de bus sont déterminants pour l’usager. D’autant plus qu’à Dunkerque, on circule plutôt vite et bien en voiture… Ce travail de refonte totale du réseau des bus ne peut être dissocié d’un aménagement urbain en profondeur. C’est d’autant plus crucial à Dunkerque, une agglomération qui a profondément besoin d’être embellie et transformée dans un sens qualitatif.
- Justement, quelles opportunités d’aménagement urbain un projet de transport en commun offre-t-elle ?
- Tout d’abord, qu’il s’agisse de bus ou de tram, les opportunités sont strictement les mêmes. L’important, c’est l’ambition du projet. La refonte du réseau de bus va amener, comme aurait pu le faire un tram, à repenser des espaces qui sans cela n’auraient jamais été repensés : le boulevard Alexandre III, la place de la gare...
Prenons l’exemple de la voie rapide (RD601), entre Dunkerque et Grande-Synthe. L’occasion nous est offerte de repenser entièrement cet aménagement très routier et construit sur un canal. Redécouvrir l’eau, proposer des opérations de logements… Le projet de mobilité va servir de déclencheur pour amener de la qualité de vie en plus d’un mode de transport efficace !
- En matière de transport, quelles sont les grandes tendances dans les villes moyennes, comparables à la nôtre ?
- J’ai travaillé sur un projet pour l’agglomération de Belfort qui présente plusieurs similitudes avec Dunkerque : pas d’embouteillages, une ville industrielle, une population avec un faible pouvoir d’achat… L’ambition était de faire rentrer beaucoup plus de gens dans les bus. Comme à Dunkerque. On a cassé l’image négative du bus en améliorant son fonctionnement. Et ça a marché !
- Et la gratuité ?
- C’est un challenge très intéressant qui va, je pense, permettre de doubler le nombre d’usagers. La difficulté de la gratuité, c’est en fait de proposer la bonne taille de réseau, de ne pas être en sous capacité par rapport au nombre d’utilisateurs réels au final. On avait fait cette erreur avec le tramway de Strasbourg en sous-estimant le nombre d’usagers et après, on avait dû rajouter des wagons. Le bus peut être tout aussi attractif que le tram : ce n’est pas une question de mode de transport mais bien de confort proposé à l’usager.
- Quels sont les atouts et les faiblesses de l’agglomération dunkerquoise ?
- Dunkerque a vraiment des atouts à jouer : la vie y est bien moins chère qu’à Lille et la qualité de vie importante. Vous pouvez donc attirer des entreprises et des habitants sur cette base. Aujourd’hui, seule votre image industrielle vous dessert. Vous me faites un peu penser à Saint-Etienne qui a su exister vis-à-vis de Lyon en développant des synergies lui permettant de bénéficier de l’attractivité de sa métropole. Saint-Etienne héberge par exemple beaucoup d’étudiants qui n’ont pas les moyens de vivre à Lyon.
Votre deuxième grand atout, c’est le tourisme. Quand on regarde la côte belge, on voit bien qu’il n’y a pas une grande qualité urbaine là-bas. Pour moi, Dunkerque a clairement une carte à jouer dans ce domaine. »
Qui êtes-vous Alfred Peter ?
Profession : paysagiste de la mobilité
Mantra : la qualité urbaine
Mission : faire aimer le bus aux Dunkerquois
Signe particulier : est passé à deux doigts d’obtenir le Grand Prix de l’urbanisme en 2014
Atelier d'urbanisme Alfred Peter
Vidéo d'une conférence de presse datée du 13 mars 2015 de présentation du projet DK Plus