3 idées reçues sur le bus gratuit
Maxime Huré est enseignant-chercheur. Les politiques de mobilité figurent parmi ses thèmes de recherche. Nous avons sollicité ce partisan des transports collectifs gratuits pour répondre à trois idées reçues fréquentes au sujet du bus gratuit.
Idée reçue n°1 : Le bus gratuit, ça va coûter cher !
Maxime Huré : Il faut savoir que les transports en commun, dont le bus, coûtent déjà extrêmement cher. Contrairement à ce que les gens s’imaginent, les pouvoirs publics participent à leur financement à hauteur de 75% en moyenne. C’est énorme. Le passage à la gratuité ne représente pas un surcoût si important… D’autant que la gratuité engendre de nombreuses retombées positives. On pense à l’aspect social bien sûr mais il est loin d’être le seul.
En termes d’image par exemple : quand le bus deviendra gratuit dans l’agglomération de Dunkerque, vous verrez que le territoire bénéficiera d’un effet d’image et d’attractivité. En termes de santé publique et d’environnement aussi : le bus gratuit permet d’augmenter très significativement le nombre d’usagers, ce qui engendre une baisse de l’utilisation de la voiture et donc de la pollution. En termes de développement enfin : la gratuité contribue à l’attractivité économique et à la redynamisation commerciale du territoire qui la met en place. C’est une plus-value pour les entreprises que de s’implanter sur un territoire où les transports sont gratuits.
Idée reçue n°2 : Le bus gratuit, c’est plus d’insécurité à coup sûr !
Maxime Huré : Rien de scientifique n’étaye cette affirmation. Je plaide d’ailleurs pour la réalisation d’études sérieuses car je pense qu’elles démontreraient tout le contraire. A Aubagne, la gratuité instaurée en 2009 a été la source de beaucoup d’apports d’un point de vue social. Vous vous rendez compte du changement que cela représente pour les personnes qui comptent chaque euro pour manger ?
Un phénomène inattendu s’est produit : les relations avec les chauffeurs se sont apaisées – il n’y avait plus de tension liée à l’échange marchand représenté par l’achat du ticket. Les utilisateurs du bus sont passés du statut de consommateurs exigeants à celui d’usagers bien plus bienveillants. Cela a transformé l’ambiance dans les bus et fait régresser l’incivisme.
Et puis, soyons honnêtes, si le service de bus gratuit est de qualité, avec une fréquence de passage attractive, les actifs, et notamment les cadres, seront les premiers à l’utiliser ! La gratuité séduit toutes les catégories de population… Dans ce contexte, la crainte d’une flambée d’insécurité me semble infondée.
Idée reçue n°3 : La gratuité ôte toute sa valeur au bus
Maxime Huré : C’est une affirmation classique de l’économie des transports : la gratuité fait perdre toute sa valeur à l’usage d’une marchandise. C’est aussi et surtout un argument purement idéologique ! Les discours négatifs sur le bus gratuit ne reposent sur rien de tangible, c’est l’idéologie ou la morale qui s’expriment, pas la raison. Aucune recherche ne prouve cette affirmation.
Toute une génération s’est battue dans les années 80 pour introduire la tarification sociale dans les transports en commun. Ce beau combat a été couronné de succès. Mais je constate qu’aujourd’hui, les défenseurs de la tarification sociale sont aussi les plus fervents opposants à la gratuité. C’est un choc idéologique insupportable pour eux mais sur le fond, leurs arguments ne tiennent pas. La gratuité des bus peut être une réponse aux limites de la tarification sociale, y compris en termes de stigmatisation des populations.
Maxime Huré est l’auteur de différents articles sur Rue89 http://www.rue89lyon.fr/2012/09/19/pourquoi-il-faut-rendre-les-bus-gratuits-a-lyon/ et sur Metropolitiques www.metropolitiques.eu/_Hure-Maxime_.html.